La « bugée » d’autrefois

Dans nos campagnes, le gros linge (draps, torchons, serviettes) était souvent lavé à la cendre deux fois par an, au printemps avant les Rameaux, et à l’automne vers la Toussaint. Dans ce dernier cas, les femmes  faisaient la « bugée ou bugeaille » avant de tuer et cuire le cochon.Les draps étaient changés chaque mois. Après un rapide lavage à l’eau claire puis plus tard au savon de Marseille, suivi d’un rinçage, les draps – parfois plusieurs dizaines de paires ­ étaient séchés puis étendus dans les greniers en attendant le jour de la « bugée ». On disait « essanger ». La bugée avait pour but de faire bouillir le linge afin de lui rendre toute sa blancheur. La cendre qui contient des phosphates remplaçait la lessive. La cendre, bien tamisée, était préparée à l’avance et ensachée dans des sacs de lin ou de chanvre. La veille de la « bugée », les draps et le  linge étaient descendus des greniers et mis à tremper dans des cuves. Ils étaient ensuite enlevés et tordus pour évacuer l’eau.

La lessive proprement dite était effectuée dans une cuve appelée « ponne » qui possédait un écoulement (le tapon) en partie inférieure. On y déposait des sarments de vigne, des tuiles ou d’autres éléments, un ou  plusieurs sacs de cendre sur toute la surface. On y étendait ensuite le linge. Le feu avait entre-temps été allumé sous un chaudron. L’eau bouillante était recueillie à l’aide d’un « potin » en fer blanc (sorte de casserole à manche) pour être déversée sur le linge. L’eau traversait le linge, la cendre, était récupérée en ouvrant le tapon. Le jus (« lessis », d’où le nom « lessive ») ainsi récupéré était réchauffé dans la « poêlonne », et on recommençait l’opération appelée « faire rouler la lessive » inlassablement toute la journée. Imaginez le travail en comparaison avec les lessives d’aujourd’hui !

Le lendemain était consacré à la « laverie ». Le linge sorti des « ponnes » était chargé sur des charrettes ou brouettes, puis amené au lavoir pour le rinçage.

La source de St Andéol

La source de St Andéol

« Je me souviens, le 8 avril 1956, Nous n’avions pas d’eau, la source était vraiment basse ».

Les regards se croisent, un peu ébahis. Comment ce « jeune homme » de bientôt 84 ans peut-­il avoir une mémoire aussi vive ? Nous écoutons Émile Nal nous expliquer depuis 20 minutes comment les hommes d’autrefois avaient apprivoisé le peu d’eau qui coulait du bois de l’église. « Je vous trouve radieux, Émile » lui lance Manon. Elle a raison la Manon, Émile a ce souffle que tous les futurs octogénaires aimeraient avoir  à son âge !

En parlant d’eau, c’est un bout de l’histoire du village qui s’ouvre à nous dans la bouche d’Émile.

19ème siècle : le bois comme matériau

Le premier captage venait du haut du bois de l’Église, à l’ouest du village. Les canalisations qui acheminaient l’eau étaient en bois, seul matériau bon marché disponible. Il a ensuite été refait en plomb,  vraisemblablement à la toute fin du 19ème. Il alimentait la fontaine, là où chacun venait s’approvisionner.

1956 : l’eau arrive dans chaque maison

Tout comme à St Etienne dont nous parlions dans le n° précédent, l’arrivée de l’eau dans chaque maison a été vécue comme une révolution. « Oh, il n’y avait pas bien de pression » tempère Émile. « Nous nous répartissions l’eau en bonne intelligence. Cela ne générait pas de conflits. On arrosait très peu les potagers et on récupérait l’eau des toits dans des citernes. Quand les animaux buvaient, il n’y avait plus d’eau au robinet. On s’organisait en conséquence ». Demeuraient alors au village les famille Nal, Raillon, Lantheaume, Eynard et Chauvin. « Mme Grandvoinnet est arrivée plus tard, en 1963 » se souvient Émile.

Les travaux ont commencé en 1955. Ils étaient menés par les hommes du village, parfois aidés par les jeunes de St Etienne. « Je me rappelle, le 3 août, je partais au régiment. Les hommes étaient occupés à chercher l’eau ». L’enfouissement était fait à la pelle et à la pioche, parfois avec bœufs et charrue quand la topologie du terrain s’y prêtait. Les hommes ont canalisé 2 filets d’eau : celui qui subsiste aujourd’hui, situé dans la prairie en bas du bois de l’église – le champ du « Ney » ­, et un autre situé dans le bois de l’église. Quelques années plus tard, en 1962, un 3ème fil d’eau sera recueilli dans le ruisseau au-­dessus de la cascade et sera canalisé  par des tuyaux en polyéthylène. Le circuit sera abandonné quelques années plus tard. L’eau chauffée par le soleil ­ les tuyaux étaient posés à même le sol ­ libérait du calcaire qui obstruait rapidement les canalisations.

Les travaux ont duré jusqu’au printemps 56, « l’année des grands froids » nous rappelle Émile. « Je m’en souviens parfaitement ! Le sol était gelé sur 60 cm, je me suis cassé 2 dents en creusant à la pioche chez la famille Eynard ». Le lavoir  actuel était autrefois en pierres de taille. Il a été refait en béton par M. Clément, maçon à Ste-Croix, qui a également construit le réservoir de 20m3 qui se situe sous la maison Grandvoinnet.

1983 : l’eau de Quint

« Comme à St Etienne, notre hameau n’avait pas assez d’eau pour l’usage moderne. On s’est donc allié avec les entreprises Cheval et Rampa aux côtés de St Julien et Vachères. Imaginez 30kms de canalisations ! Une entreprise folle ! Aurait-on suffisamment d’énergie et d’argent si nous devions entreprendre ce projet aujourd’hui ? » se demande Émile.

Les habitants décident néanmoins de garder et de continuer à entretenir leur source, le réservoir et le bassin, témoins de l’énergie déployée depuis toujours par nos anciens pour apprivoiser l’eau. Sans elle, la vie aurait disparu depuis longtemps de nos hameaux.

Les canaux d’arrosage

Un canal partait de champ long, traversait Ribière – le beau petit pont qui enjambe le ruisseau des 3 combes en est un vestige – et se terminait vers le 1er virage de la route qui monte à St Andéol. Un autre canal acheminait l’eau de la Sûre le long de la route départementale vers la ferme Deville (actuelle maison de Juerg Etter). « Il y avait des canaux partout autrefois. Des Glovins vers Lallet, des Touzons vers le bas de St-Etienne. Chez nous à St Andéol, l’usage de cette eau était géré par un syndicat d’arrosage. Il y avait des heures à respecter. Chacun était tenu de curer le canal sur ses parcelles » nous explique Émile. Avec le remembrement, les canaux ont été abandonnés dans les années 70 au profit des pompes.

Les lessives autrefois

« J’ai acheté notre première machine à laver en 1956 » se souvient Émile. « Auparavant, le lavage du linge – à la cendre ­durait une journée entière. On lessivait le gros linge deux à trois fois par an, au printemps et à
l’automne. Il fallait en avoir des réserves ! »

Jean-­Claude Mengoni et Pascal Albert,
avec l’aide très précieuse d’Émile Nal, et sous le regard attentif de Sylvie Albert & Manon Breton

Un nouveau cantonnier à St-Andéol

Les habitants de la commune de Saint­-Andéol ont le plaisir d’accueillir Syril Robidou comme nouvel employé communal. Ils tiennent à remercier Manu Munoz, qui occupait ce poste l’an passé, pour son travail et son investissement.

Les habitants de Saint­-Andéol

 

Au Cœur du chemin

Au Cœur du chemin

« Au Cœur du chemin »

St-Julien-­en-­Quint, hameau de Ruisse. Ce soir-­là, au lever de la lune, le ciel clair revêt sa teinte bleutée du début de la nuit, la rivière chante, Christelle & Aurélie racontent… leur rencontre, la magie d’un lieu, en Vallée de Quint et leurs professions qui se rejoignent, s’inspirent !

Nous avions dans un numéro précédent fait le portrait d’Alice Bruyant, alors qu’ elle s’apprêtait à inaugurer son lieu d’accueil « Eveilessence » dans la petite maison rénovée de Ruisse, au pied de la Tête de la Dame… Depuis deux ans, de nouvelles énergies s’accordent à ce lieu de haut potentiel et lui donnent vie, offrant au monde différentes formes de soins innovants, aux personnes, hommes, femmes, et aux jeunes parents !

Septembre 2016, Christelle, venant du Loir-et-­Cher, s’installe à St-Julien-­en-­Quint avec sa petite famille. Son chemin de vie, autour du soin aux personnes poursuit une évolution allant vers toujours plus de douceur, de délicatesse et d’attention. D’abord infirmière, puis sophrologue, elle œuvre avec toujours plus de cohérence entre ses ressentis et ses actions. Transmettre à travers ses mains la douceur est une des clés de son rapport au massage et au soin. En tant que femme, elle a à cœur d’accompagner le féminin dans toutes ses manifestations et de partager sa connaissance du fonctionnement du corps humain.

Février 2017, Aurélie s’installe à St-Julien-en-Quint. Depuis toujours, elle accompagne la Vie, d’abord en tant qu’éducatrice spécialisée, puis de volontaire internationale sur des lieux de catastrophe. Formée auprès  de doulas et de sage-femmes, elle cherche à retrouver les savoirs ancestraux, notamment autour des passages de vie (de femme à mère, d’homme à père, et de couple à parents…). Ce qu’elle aime offrir, c’est sa qualité de présence et son écoute. À travers ses mains et ses mots, elle porte un message : « accueillir et honorer la vie qui bat en soi ». L’arrivée d’un enfant est unique pour chacun, bouleversant, magnifique,  difficile… Cheminer vers un nouvel équilibre pour chacun prend du temps et c’est une joie de pouvoir accompagner ce passage dans la bienveillance.

Aujourd’hui, la petite maison de Ruisse, porte un nouveau nom : « Au Cœur du chemin » : véritable lieu de retraite et de ressourcement, disposant d’un lieu d’accueil et d’une salle de soin. La beauté et l’harmonie y  ont été cultivées depuis plusieurs années, avec l’inspiration et le souffle d’Alice, puis d’Aurélie et de Christelle, qui y proposent différentes sortes de soins, dans une salle dédiée à leurs pratiques. L’association Terre &  Fleurs, ayant son siège social à St-Julien-­en-Quint offre une structure administrative et porte les nombreux projets qui se préparent à fleurir sur les terres de la vallée.

Deux mots pour qualifier leur relation professionnelle et personnelle : Équilibre / Ouverture.

« On s’est tout de suite reconnues… dans la sensibilité et la finesse, chacune avec ses couleurs et ses qualités. Ce que l’on s’apporte l’une et l’autre dans nos différences est initiatique : chacune de nos rencontres est source d’enseignements. La vallée de Quint offre un écrin de sérénité et d’apaisement apportant un véritable soutien pour les soins que l’on propose. »

Contact :
Aurélie Vuinée ­: 06 49 23 56 10
Christelle Avrain :­ 06 14 94 37 28

Cécile PAGÈS

De St Julien à Montlaur : à propos d’un livre…

De St Julien à Montlaur : à propos d’un livre…

C’est l’histoire d’un jeune soldat qui n’a pas eu le temps de faire la guerre.

Découverte dans un grenier, une malle contenant un uniforme, des lettres, des photos et des coupures de journaux a permis aux Ateliers d’histoire et du patrimoine (Association Dea Augusta) de dresser le parcours du Lieutenant Joseph ARBOD, natif de St-Julien-­en-Quint, parti le 5 août 1914 pour le premier grand conflit mondial.

Ce livre parle très peu de la guerre et pour cause, Joseph est mort le 21 août 1914, soit 17 jours après le début des combats. Les auteurs ont donc dressé l’histoire de sa famille, décrit son enfance au village, son cadre de vie et ses études puis sa formation dans une grande école militaire ; enfin, après la relation du départ du soldat pour le front et des circonstances de sa mort, ils ont retracé les démarches effectuées après la guerre par les parents pour faire rapatrier le corps de leur enfant.

Alors pourquoi en parler ici ?

Il se trouve que Joseph ARBOD a beaucoup de points communs avec les deux frères PESTRE de Montlaur :

En plus d’être Morts pour la France tous les trois, on voit qu’ils ont eu une enfance similaire : enfants de la campagne, élevés au village dans une famille d’agriculteurs, ils ont eu la même éducation, reçu le même enseignement à l’école de la République et la même éducation religieuse. Jeunes, ils s’intéressent aux techniques nouvelles, Joseph assiste aux démonstrations d’aéroplanes et Léon s’initie aux transmissions radio et téléphone.

Ils ont le même âge : Joseph ARBOD est né en mars 1891, Paul PESTRE en juillet ; recrutés à Montélimar, ils ne servent pas dans le même régiment mais sont tués tous deux lors des premiers combats sur la frontière d’Alsace : Paul, au lieu-­dit du Bois de Gareth le 18 août 1914, 3 jours avant Joseph tombé non loin de là, à La Broque ; ils avaient 23 ans. Contrairement à Joseph, le corps de Paul n’a pas été retrouvé, son acte de décès dit simplement qu’il a « probablement » été inhumé sur place. Son frère Léon PESTRE, né en 1884, était curé à St Julien-­en-­Quint lorsqu’il a été appelé au front, il est certain que la famille ARBOD, catholique très pratiquante le connaissait bien ; affecté au 52° Régiment d’Infanterie de Montélimar (le même que celui de Joseph), Léon est Caporal téléphoniste ; il meurt au fort de Landrécourt lors de la bataille de Verdun, en juin 1916 ; son courage lui a valu une citation à l’ordre de la Brigade. Son corps a été rapatrié en 1922, dans les mêmes conditions que celui de Joseph ARBOD et repose dans le cimetière de Montlaur.

N’oublions pas les corps de trois autres soldats rapatriés qui sont enterrés à St Julien en Quint : Gaston Olivier RICHAUD et son demi-frère Julien JOSSAUD au cimetière familial des Bayles, Jean-Louis FERIOL au  cimetière familial sur la route de Marignac. Une cérémonie du souvenir a eu lieu le 11 novembre 2017

Et pour en savoir plus… Il faut lire ce petit ouvrage très documenté, avec des photos en couleur, des plans, des extraits de lettres, des cartes postales anciennes et même le menu du 14 juillet 1914 à l’Ecole militaire !

A tout ce qu’on a pu lire et voir sur la guerre de 1914-­18, viennent s’ajouter, avec ce livre, les témoignages d’un enfant du pays et de son entourage ; c’est retrouver à travers ce récit, un peu de l’esprit de St-Julien-en-Quint au long de ces années terribles.

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Edité à Die en novembre 2017

En vente au prix de 10 euros à la librairie Mosaïque, au Musée, à la Mairie de St-Julien-en-Quint et au Badin de Quint.[/su_box]

Mireille ARISTOTE, Pierre MARTIN