Installés depuis plus de 30 ans en Alsace, nous avions l’intention de retrouver des contrées plus clémentes dès que la retraite nous le permettrait. Nous avons cherché pendant 2 ans un site accueillant qui nous permettrait de donner jour à nos projets, visitant ainsi le Vaucluse, puis la Drôme provençale. Mais la déception était rude, que de vent, que de bruit, que de nuisances, que de monde …

Et un jour nous avons découvert Les Moutiers.

Ce fut comme un aboutissement … La maison collait à nos projets, par son esthétique, sa grandeur, sa position à flanc de coteaux, ses différentes terrasses, sa vue magnifique sur le village de Ste-Croix et en arrière plan sur les 3 Becs. Le coup de foudre !

Et l’enthousiasme est toujours là. Après avoir investi et créé nos deux gîtes ruraux, nous prenons plaisir à accueillir nos vacanciers dans ce petit havre de paix et à essayer de répondre à leurs nombreuses questions sur notre maison qui ne les laisse pas indifférents.

Nous avons donc écouté les anciens du village et fait des recherches dans l’état civil et le cadastre … Nous avons ainsi découvert qu’au fil des années le nom du domaine est passé de Mottier (1809) à Motier(1827), puis à Moutier (1878) et enfin à Moutiers (1888). Ce nom vient du vieux français môti, môttier, moutier, moustier qui est synonyme de « monastère ».

Et en effet, il nous a été raconté par les anciens que le nom Moutiers viendrait du fait que la maison aurait été construite sur les ruines d’un petit monastère qui, dans des temps fort lointains, aurait accueilli des lépreux.

C’est possible … car le monastère de Sainte-Croix est tenu par les Antonins du XIIIème au XVème siècle. Cet ordre s’est spécialisé dans les soins apportés aux malades atteints du « mal des ardents ». Cette maladie est due à l’ingestion de pain de seigle contaminé par un parasite, l’ergot du seigle. Ses symptômes sont très proches de ceux de la lèpre et il est probable qu’à cette époque les malades affluaient au monastère pour bénéficier de la clémence de Saint Antoine et des bons soins des moines …

Ceux-ci ont su très tôt faire la différence entre le « mal des ardents » non contagieux et la lèpre très contagieuse et il est probable que les malades atteints du mal des ardents étaient soignés près du monastère et que ceux atteints de la lèpre étaient orientés vers un endroit plus éloigné afin d’éviter tout contact. Mottier, à 800m du village et du monastère, isolé par la Sûre, pouvait fort bien être un petit moutier annexe au grand monastère de Ste-Croix et destiné à recevoir les incurables contagieux …

Mais à ce jour nous n’avons trouvé aucunes traces écrites de ces affirmations et suppositions …

Nous ne savons pas de quand date la maison. On a retrouvé la date de 1742 gravée dans la pierre, mais une chose est sure, la maison est déjà présente au cadastre de Napoléon de 1824 et dans les plans au sol toujours actuels. Elle appartient alors à la famille SIBOURD (Sibourg, Sibourd ou Sibour, selon les actes d’état civil de l’époque) et a pour nom Mottier. Les Sibourd, Augustin et Elizabeth, née Borel, étaient de Saint-Sauveur en Diois et sont arrivés à Sainte-Croix vers 1768 car cette année là nous trouvons la naissance de leur fils Augustin dans les registres de Sainte-Croix alors qu’il n’y a pas trace dans ces mêmes registres de la naissance des 2 frères aînés en 1765 et 1766. Cinq fils et une fille naîtront encore dans cette famille de 9 enfants.

La famille vit à Mottier trois générations avec Augustin et Elizabeth (Borel) et leurs 9 enfants, puis Pierre et Dimanche (Aurand) et leurs 7 enfants qui vendront la maison en 1853 à Jean Daniel LOMBARD.

Se succèdent alors aux rênes de l’exploitation Jean Daniel, puis Louis Aristide et enfin Daniel LOMBARD. Famille protestante, ils sont inhumés « dans les champs », dans le cimetière qui se trouve encore sur la propriété comme dans beaucoup de domaines du Diois.

En 1910 les Moutiers sont cédés à Honoré de RICHAUD, issu d’une famille de vieille noblesse du Dauphiné. La famille avait perdu sa particule à la révolution, mais deux cousins, dont le père d’Honoré, se présentent devant le tribunal d’instance de Die et obtiennent la restitution de leur particule le 26 août 1863 pour eux et leurs descendants. Honoré, né en 1853, récupère donc cette particule et la transmet à son fils.

Édouard, fils d’Honoré, sa femme Hermine et son fils Georges disparu précocement à 17 ans sont inhumés dans le cimetière des Moutiers.

En 1969 Maurice POULET devint propriétaire des Moutiers de par sa femme Berthe de RICHAUD, dernière descendante de cette branche de la famille. Puis par héritage, elle arrive aux mains de Jean DECORSE, l’un des fondateurs de la cave Jaillance. Il restaure la maison en 1985/1990 pour lui donner son apparence actuelle et s’y installe pour quelques années.

On ne peut que remercier ces grandes familles d’avoir su bâtir, sauver, préserver et embellir cette belle bâtisse des Moutiers … en lui donnant de plus une âme et en lui forgeant une histoire que l’on prend plaisir à partager !

Danièle et Jacques LEBAILLIF