« Je me souviens, le 8 avril 1956, Nous n’avions pas d’eau, la source était vraiment basse ».
Les regards se croisent, un peu ébahis. Comment ce « jeune homme » de bientôt 84 ans peut-il avoir une mémoire aussi vive ? Nous écoutons Émile Nal nous expliquer depuis 20 minutes comment les hommes d’autrefois avaient apprivoisé le peu d’eau qui coulait du bois de l’église. « Je vous trouve radieux, Émile » lui lance Manon. Elle a raison la Manon, Émile a ce souffle que tous les futurs octogénaires aimeraient avoir à son âge !
En parlant d’eau, c’est un bout de l’histoire du village qui s’ouvre à nous dans la bouche d’Émile.
19ème siècle : le bois comme matériau
Le premier captage venait du haut du bois de l’Église, à l’ouest du village. Les canalisations qui acheminaient l’eau étaient en bois, seul matériau bon marché disponible. Il a ensuite été refait en plomb, vraisemblablement à la toute fin du 19ème. Il alimentait la fontaine, là où chacun venait s’approvisionner.
1956 : l’eau arrive dans chaque maison
Tout comme à St Etienne dont nous parlions dans le n° précédent, l’arrivée de l’eau dans chaque maison a été vécue comme une révolution. « Oh, il n’y avait pas bien de pression » tempère Émile. « Nous nous répartissions l’eau en bonne intelligence. Cela ne générait pas de conflits. On arrosait très peu les potagers et on récupérait l’eau des toits dans des citernes. Quand les animaux buvaient, il n’y avait plus d’eau au robinet. On s’organisait en conséquence ». Demeuraient alors au village les famille Nal, Raillon, Lantheaume, Eynard et Chauvin. « Mme Grandvoinnet est arrivée plus tard, en 1963 » se souvient Émile.
Les travaux ont commencé en 1955. Ils étaient menés par les hommes du village, parfois aidés par les jeunes de St Etienne. « Je me rappelle, le 3 août, je partais au régiment. Les hommes étaient occupés à chercher l’eau ». L’enfouissement était fait à la pelle et à la pioche, parfois avec bœufs et charrue quand la topologie du terrain s’y prêtait. Les hommes ont canalisé 2 filets d’eau : celui qui subsiste aujourd’hui, situé dans la prairie en bas du bois de l’église – le champ du « Ney » , et un autre situé dans le bois de l’église. Quelques années plus tard, en 1962, un 3ème fil d’eau sera recueilli dans le ruisseau au-dessus de la cascade et sera canalisé par des tuyaux en polyéthylène. Le circuit sera abandonné quelques années plus tard. L’eau chauffée par le soleil les tuyaux étaient posés à même le sol libérait du calcaire qui obstruait rapidement les canalisations.
Les travaux ont duré jusqu’au printemps 56, « l’année des grands froids » nous rappelle Émile. « Je m’en souviens parfaitement ! Le sol était gelé sur 60 cm, je me suis cassé 2 dents en creusant à la pioche chez la famille Eynard ». Le lavoir actuel était autrefois en pierres de taille. Il a été refait en béton par M. Clément, maçon à Ste-Croix, qui a également construit le réservoir de 20m3 qui se situe sous la maison Grandvoinnet.
1983 : l’eau de Quint
« Comme à St Etienne, notre hameau n’avait pas assez d’eau pour l’usage moderne. On s’est donc allié avec les entreprises Cheval et Rampa aux côtés de St Julien et Vachères. Imaginez 30kms de canalisations ! Une entreprise folle ! Aurait-on suffisamment d’énergie et d’argent si nous devions entreprendre ce projet aujourd’hui ? » se demande Émile.
Les habitants décident néanmoins de garder et de continuer à entretenir leur source, le réservoir et le bassin, témoins de l’énergie déployée depuis toujours par nos anciens pour apprivoiser l’eau. Sans elle, la vie aurait disparu depuis longtemps de nos hameaux.
Les canaux d’arrosage
Un canal partait de champ long, traversait Ribière – le beau petit pont qui enjambe le ruisseau des 3 combes en est un vestige – et se terminait vers le 1er virage de la route qui monte à St Andéol. Un autre canal acheminait l’eau de la Sûre le long de la route départementale vers la ferme Deville (actuelle maison de Juerg Etter). « Il y avait des canaux partout autrefois. Des Glovins vers Lallet, des Touzons vers le bas de St-Etienne. Chez nous à St Andéol, l’usage de cette eau était géré par un syndicat d’arrosage. Il y avait des heures à respecter. Chacun était tenu de curer le canal sur ses parcelles » nous explique Émile. Avec le remembrement, les canaux ont été abandonnés dans les années 70 au profit des pompes.
Les lessives autrefois
« J’ai acheté notre première machine à laver en 1956 » se souvient Émile. « Auparavant, le lavage du linge – à la cendre durait une journée entière. On lessivait le gros linge deux à trois fois par an, au printemps et à
l’automne. Il fallait en avoir des réserves ! »
Jean-Claude Mengoni et Pascal Albert,
avec l’aide très précieuse d’Émile Nal, et sous le regard attentif de Sylvie Albert & Manon Breton