Nous avons dans la dernière Feuille de Quint, Jean-Claude Mengoni et moi-même, commencé à essayer de comprendre le repeuplement de la vallée de Quint en se focalisant en premier lieu sur le village de Vachères. Pour mémoire cette commune comptait 6 habitants en 1972 alors qu’elle en compte aujourd’hui 40. Au-delà des chiffres nous avons souhaité rencontrer ces nouveaux habitants. Qu’ils nous disent peut-être pourquoi ils sont venus ici, en quête de quoi ?
Très gentiment ils ont accepté que l’on se voit, et de se raconter. C’est ainsi qu’un soir d’avril nous nous sommes retrouvés à une dizaine chez Michael et Fanny dans leur maison en bois, claire et spacieuse. Chacun avait apporté sans se donner le mot de quoi grignoter. Tous les habitants n’étaient pas là bien sûr ; certains n’étaient pas libres ce soir, d’autres avaient peur du « blabla » ! Mais enfin il y avait quand même plus du 1/3 de la population adulte. Autour de la grande table les langues se sont déliées, tranquillement.
Liek Wartena, la plus ancienne a commencé en racontant leur arrivée, à Sjoerd et elle-même, en 1972 en venant de Hollande. Citadins ils n’étaient pas spécialement destinés à vivre à la campagne, mais l’enthousiasme du retour à la nature qui a suivi les années 68 les a entraînés. C’est à Vachères qu’ils ont atterri par hasard : « il y avait alors 6 habitants sur la commune qui terminaient leur vie active dans une quasi autarcie traditionnelle. L’électricité était arrivée depuis 20 ans mais l’eau « courante » n’est arrivée qu’en 1984 en provenance d’une source captée au hameau des « Juges » à St Julien pour alimenter 3 communes de la vallée! il y avait bien de l’eau avant, mais alimentée par la source de Vachères qui fonctionnait l’été au goutte à goutte ; et l’on n’avait le droit d’ouvrir le robinet que 2 heures le soir. Le village a bien changé, il y avait un grand mur autour de la mairie, la plupart des maisons étaient inhabitées ou utilisées rarement depuis 60 ans. Nous avions tout à apprendre, et les anciens ont été très solidaires. Il faut dire qu’ils savaient tout faire : ils étaient cordonniers, bouchers, agriculteurs, maçons… Petit à petit nous apprenions le métier. Nous avons commencé par avoir des chèvres et par fabriquer du fromage que j’allais vendre sur le marché. Puis au début des années 90 nous avons transmis l’activité à de jeunes allemands qui étaient venus chez nous faire un stage (Jochen Haun et Oda Schmidt) et nous avons développé une activité d’herbes aromatiques et médicinales. La vie de Vachères vient de cette symbiose entre les cultures. »
Nathalie et Florence sont arrivées quant à elles à Vachères en 2009. Nath, accompagnatrice en montagne, connaissait la nature depuis toujours, Flo plus citadine avait comme une nécessité de nature, de retour aux sources. La rencontre avec des agriculteurs bio de la vallée de Quint, leur approche, les ont convaincues de se lancer, ici, dans la fabrication d’huiles essentielles et de beaucoup d’autres produits transformés à partir des plantes médicinales qu’elles cultiveraient dans la vallée. Petit à petit, comme les Wartena 37 ans auparavant et comme Jochen et Oda 20 ans avant, elles se sont intégrées dans le milieu agricole du Diois. « C’est par notre travail que nous avons acquis une vraie reconnaissance ».
La soirée avance. Laetitia prend la suite. Elle est arrivée en 2014 en provenance de Nantes pour un stage de formation professionnelle agricole chez Nath et Flo. Séduite par la région et le village, elle décide d’y rester pour démarrer une activité de tisanes. Elle réside maintenant comme locataire dans le logement communal qui vient d’être réhabilité … par des entreprises pour quelques lots (charpente couverture, électricité…) mais surtout par les habitants de Vachères qui bénévolement sont venus à tour de rôle donner un coup de main… voir beaucoup plus.
Juliette qui enchaîne est arrivée de Die 2 ans auparavant pour retrouver son compagnon menuisier dans la vallée. Elle travaille elle-même comme gestionnaire et animatrice de l’association Valdec’Quint à St Julien-en-Quint. Leurs 2 enfants (l’un est encore à naître très prochainement) iront à l’école dans la vallée. Certains autour de la table précisent que l’arrivée de Juliette et Olivier a permis que se développe une ambiance très chaleureuse et participative dans le village. Il faut dire aussi que cela coïncidait avec l’aménagement de la placette devant la mairie : mur abattu, plantation d’1 arbre, création d’un terrain de boules et donc rencontres-apéro sous les lampions.
Enfin Michael et Fanny nos hôtes d’un soir sont arrivés en 2016 avec leurs 2 enfants en provenance de Nîmes. Instituteurs tous les 2 ils cherchaient à vivre une vie plus proche de la nature, plus solidaire aussi. Ils connaissaient le Diois depuis 2009… et ont sauté le pas en voyant une annonce de maison en bois et verre en vente à Vachères…
La soirée se poursuit, des retardataires passent un moment, on évoque ceux qui n’ont pu venir ce soir, éleveurs de brebis qui ont pu s’installer dans le village grâce à l’association Terre de liens, techniciens agricoles, travailleurs agricoles dans la vigne, fabricante de savon, musicienne, gestionnaire de magasin…
Au final on aura beaucoup appris en une soirée sur le repeuplement des campagnes et du Diois en particulier : ces 3 vagues d’installation qui se sont succédées dans les années 70, au début des années 90 et depuis 2010 – où la nature superbe, la transmission des savoirs et l’envie de vivre ensemble se sont combinées pour enrayer la désertification et créer peut-être une nouvelle culture ancrée dans le territoire elle aussi.
En remerciant sincèrement les habitants du village qui ont bien voulu se prêter au jeu.
Bruno ROBINNE avec la participation et la complicité de Jean-Claude MENGONI