Le pays de Quint semble avoir suivi le mouvement général d’accroissement de la population française jusque vers le milieu du XIXème siècle. Son enclavement lui a même assuré à cet égard quelques avantages par rapport à certaines autres régions du Diois. Placé en dehors des courants qui vont et viennent dans la vallée dé la Drôme, il a souvent connu la paix quand ses voisins subissaient la guerre. Le pays de Quint fût, pour ces raisons, un lieu de refuge pour les protestants. Vers la fin du XVème siècle il était une des « loges » où les pasteurs du Désert réunissaient leurs fidèles. Cette « tranquillité » permit vraisemblablement de maintenir la population en vie malgré guerres et famines, jusqu’à aboutir à une légère surpopulation, faute de ressources agricoles suffisantes. En 1698, Saint-Julien affirme que 45 familles sortent chaque année du pays « pour aller demander l’aumône ailleurs ou travailler pour gagner leur vie ».
Des documents issus de l’église protestante, très largement majoritaire au 17ème siècle, fait état de 710 habitants probables à Saint-Julien, 265 à Saint-Andéol – Saint-Etienne, 295 à Sainte-Croix, 110 à Vachères, soit près de 1400 personnes.
Les habitants de Quint étaient pour la plupart agriculteurs. La vie de tous les habitants du pays de Quint était intimement liée à l’élevage du mouton. Les animaux – on parlait alors de la race de Quint – étaient l’objet d’un commerce important. Ils se vendaient adultes à 1 an 1/2 ou 2 ans sur les marchés de Die, de Crest, aux foires de Saint-Nazaire-le-Désert, Beaufort ou à celle de Saint-Julien-on-Quint. La viande était réputée. Les maquignons du Midi venaient s’y approvisionner « pour les boucheries de Provence ». Enfin le mouton permettait aux habitants du pays de Quint de s’occuper l’hiver à la fabrication de draps. De tout temps, sans doute, on a suffi ainsi aux besoins locaux. Mais l’excédent des produits a fait naître le commerce. Quelques habitants déposaient les pièces de draps dont ils voulaient se défaire chez des négociants de Saint-Jean-en-Royans, Peyrus et Crest. Ceux-ci, à leur tour, ont conçu l’idée de faire tisser par les montagnards de la laine achetée par eux en Languedoc et en Provence. A Sainte-Croix s’était même organisée une fabrique de draps et ratines quelques années avant la Révolution : elle avait, en 1788, « une méchanique à carder la laine, 10 méchaniques à filer ayant 50 broches, 20 métiers batants ». Elle employait surtout des femmes, et distribuait du travail à domicile dans les villages voisins. Dans son rapport de 1790 au Directoire du département, l’Inspecteur des Manufactures, parlant de la fabrique de Sainte-Croix, affirme que ses propriétaires procurant du travail à plus de 500 personnes dans les environs, « fixaient dans leurs foyers des hommes, des femmes et des enfants qui auraient du « aumoner ».
Entre 1831, date probable du maximum démographique de population, et 1990, les 4 communes baignées par la Sûre vont toutefois perdre plus de 70 % de leurs habitants. Le phénomène est alors général aux massifs de moyenne montagne et leurs versants. Il est d’autant plus marqué qu’augmentent l’altitude, la difficulté d’accès ou la distance avec les villes.
L’essor des villes, le désenclavement du Diois et de la vallée de Quint, l’arrivée du train bouleversent l’économie et accélèrent l’exode rural. Quelques dates importantes :
1835 : les passages du claps et du col de Cabre sont ouverts
1854 : arrivée du du rail à Valence, 1871 : à Crest et 1885 à Die
1855 : ouverture de la cluze des tourettes, dernier obstacle de la route qui mène à la vallée de la Drôme
1892 : ouverture de la ligne de chemin de fer Die vers Aspres sur Buëch
L’ouverture des voies de communication a été, en général, pour les pays de montagne, comme une sollicitation à l’abandon de sols trop ingrats. Les habitants ont plus ou moins lentement glissé vers la plaine ou se sont laissés tenter par les brillantes apparences de la vie urbaine.
La guerre et l’essor des machines en sont d’autres raisons probables. L’industrie familiale disparut en effet à cette époque. Soit que certaines usines, touchées à mort par la Révolution et l’Empire, n’aient pu rouvrir, comme celle des Grangier à Sainte-Croix, soit que le machinisme ait amené les fabricants de Die et de Crest à ne plus distribuer de travail à domicile.
Beaucoup vont ainsi partir vers le Rhône (Lyon), le Vaucluse proche, les bouches du Rhône (Marseille) ou vers la région parisienne.
Même si les apports de populations extérieures sont ici assez anciens, le solde migratoire ne deviendra positif que depuis 1982. Comme dans tous les autres bassins de vie diois, l’apport de population extérieure est en effet notable depuis 30 ans, sous l’effet du tourisme et du développement d’une agriculture extensive.
C’est aujourd’hui la commune de St Andéol qui concentre l’accroissement le plus significatif en pourcentage, puisque le village a triplé sa population en moins de 15 ans. Beau challenge que de faire coexister ces nombreux arrivants avec la population locale. Mais cela est une autre histoire.
( ce texte est une compilation de plusieurs documents anciens trouvés au musée de Die et sur Internet)
JC Mengoni