Un soir désertique d’été, alors que je joue avec mes enfants dans la rue de St-Julien-en-Quint, je tombe nez à nez avec un homme-poète, Louis-Antoine, qui m’interpelle. Il a un lien avec notre territoire. Il est le fils de Bernard Fort.
Avec quelques mots et un sourire, il m’apprend qu’une pièce de théâtre sera donnée le soir-même, sur la place de mon village, à 20h. Aucune affiche, aucune communication, simplement un élan de spontanéité généreux. J’en parle à ma voisine. On convient d’y aller toutes les deux, avec nos enfants joyeux. Quelques heures plus tard, nous voilà sur la place. Les bancs ont trouvé leur public et les comédiens se passent le rôle, interprétant à leur manière, les portraits de ceux qu’ils ont interviewés la veille en pays de Saillans. On écoute, intrigués, ce spectacle improvisé. On rit, on s’étonne, on s’inspire. Les enfants sont enrôlés à leur insu et participent à la vie du spectacle. Alexis, qui vient de céder sa place de « plus jeune du village » à un nouveau bébé voisin, distribue des strobiles (fruits de l’aulne), à tous les spectateurs pendant une heure. Ses mouvements coordonnés contribuent à la chorégraphie de ce moment impromptu. Plus tard, les artistes sont invités à manger au Colombier, puis restent dormir au village afin d’interviewer les Quintous qui seront les personnages de la pièce de théâtre jouée le lendemain devant la cathédrale à Die. Ainsi, ils colportent les vies d’à côté, les pensées d’ailleurs, les rêves de nos contemporains. Venus de Saillans par les montagnes et les chemins, ils repartent à pied vers Die, mettant à profit leurs heures de marche à la contemplation et à la création de la future scène à partager.
Anne-Sophie, Louis-Antoine, et leurs compagnons de route font leurs adieux en expliquant : « Nous souhaitons à travers ce projet questionner les peurs collectives et intimes de nos contemporains en allant à leur rencontre, telle une étude sociologique. Nous ne savons jamais quelles seront nos rencontres, notre public, notre alimentation, notre couchage. (…) Nos marches ne sont pas annoncées pour questionner la place de la spontanéité aujourd’hui et la nécessité de planifier pour aller toujours plus vite, entraînant une contrainte de performance et de sur-projection: le présent n’est plus investi. Nous comptons sur le bouche à oreille et sur la communication directe faite par les membres de l’équipe à chaque arrivée dans les ville-étapes. Ainsi nous pouvons jouer le soir venu face à un public fluctuant. (…) La compagnie Augustine Tripaux est une cabane, un refuge, où l’apprentissage de l’Autre est encouragé. C’est un espace de rassemblement. C’est une vérité mouvante, une marée de questions et de réflexions face au Monde. C’est un chemin à emprunter : le présent. ».